La Fondation Monoprix

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A travers son action, la Fondation Monoprix apporte son aide à Emmaüs La Friperie Solidaire, dirigée par Lydia Feghloul. Ainsi, la Fondation aide à l'intégration ou à la ré-insertion de femmes et d'hommes au coeur des villes.

Michel le dit d'une voix claire : «Je ne sais pas ce que c'est que l'amour». Il ne s'étendra pas sur son enfance, détournera les yeux une fois ou deux. Entre pudeur et chagrin. Parce qu'on n'oublie rien. De ces blessures encore vives, Michel a forgé un goût immodéré pour l'indépendance, ou plutôt un refus exacerbé pour les contraintes.

 

«Je n'en ai jamais voulu à la société, affirme-t-il, j'ai toujours su que j'étais seul responsable de mes conneries !».

Alors ce sera d'incessants allers-retours entre la «grande vie», financée par ses délits, et la prison – où Michel paie ses dettes, s'acquitte de son tribut sans révolte. Une vie qui part en fumée. Ce n'est pas une existence que l'on vit, mais que l'on joue. Risques, frissons, adrénaline, coups de dés. A ces jeux-là, les hommes perdent toujours. Ainsi, Michel est tombé pour de bon. Ou plutôt, il est resté suspendu entre deux mondes, deux réalités, deux vies. Quelques minutes suffisent, à la barre d'un tribunal... «C'est Lydia qui est venue me sauver», dit-il.

 
  • Déborah Stein (styliste)
    Déborah forme Vathsala
  • Ouattara Nouho (couturier)
    Il participe à la formation de l'équipe
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Lydia Feghloul, jeune femme déterminée de 33 ans, au regard profond et lumineux, à la très vive intelligence, membre du conseil d'administration d'Emmaüs. Elle évoque Michel devant la cour. Cet homme paradoxal qui, alors qu'il vivait d'expédients, comme on dit, venait déjà prêter main forte aux gens d'Emmaüs... Un voyou certes, mais un homme généreux. Elle lui propose un emploi chez Emmaüs, plutôt qu'une nouvelle incarcération. « Nous avons passé une pacte, Lydia et moi. J'arrêtais mes conneries, elle me confiait du travail ici. J'ai donné ma parole. ».

 

Depuis 2008, Michel est salarié d'Emmaüs La Friperie Solidaire, à Maison-Alfort. Un entrepôt sans caractère, mais doté d'une âme vibrante.

 

Là, il trie d'abord les dons, puis s'occupe essentiellement des vêtements. « Dans mon ancienne vie, j'avais appris à coudre auprès d'ateliers clandestins yougoslaves, il y a longtemps ». Il exerce maintenant ses talents sur des pièces abîmées auxquelles il redonne de l'allure.

« Cela n'a pas toujours été facile, avoue-t-il. Parfois, je me demandais ce que je foutais-là ! La belle vie me manquait, les grands restaurants, l'argent que je claquais… Je suis même retombé une fois… Alors je suis allé voir Lydia… Elle m'a recadré. Elle m'a rappelé ma promesse. Je me suis repris. Je me suis concentré sur mon travail. Et j'ai appris à l'aimer. ». Il évoque une dette d'honneur. Une dette morale.

 

Une belle lueur passe soudain dans le regard de Michel. Il évoque le dernier défilé de mode du Salon Emmaüs, à la porte de Versailles. Une styliste, Déborah Stein, un couturier, Ouattara Nouho. Sous leur égide, Michel conçoit et réalise des vêtements à partie des fripes d'Emmaüs. « C'était du beau travail. Ils nous ont fait confiance ! » Il parle du plaisir de se sentir utile. Il parle du plaisir à donner. Il ne le dit pas. C'est son visage. Cette fierté sur son visage.

 

Un prénom qui vient de loin. D'une guerre civile oubliée. D'un pays déchiré longtemps. Le Sri Lanka. Vathsala est d'origine Tamoul, elle est arrivée en France le 30 octobre 2006, avec sa petite fille. Elle rejoint son mari après trois ans de séparation. Il travaille alors dans une entreprise de nettoyage. Elles vivent toutes les deux dans un foyer pendant trois longues années. Elle cherche du travail, elle apprend le français.

 

Vathsala est une femme volontaire. « C'est important de connaître la langue ». Il lui faudra deux ans pour la maîtriser. Elle évoque les noms, les dates, la durée de chaque acte avec une grande précision. Le temps qui passe, le temps qu'il faut, le temps à tenir. Le temps, par exemple, avant de trouver enfin un appartement HLM, le temps pour accéder à un emploi, le temps d'une destinée familiale. Elle raconte tout cela d'une voix si douce… Et cependant dans ses yeux, on lit son extrême détermination.

« J'ai la charge de toute la famille. Mon mari est très malade. Ma fille va à l'école. Elle est en 4ème, et c'est une très bonne élève ! ».

 

C'est via Pôle Emploi, que Vathsala rencontre Lydia Felghoul et intègre Emmaüs La Friperie Solidaire. D'abord comme trieuse et maintenant à la couture. « J'ai appris », dit-elle. « J'aime beaucoup apprendre ». « Cela fait deux ans que je suis ici. Je voudrais rester ».

 

Vathsala a connu la guerre, l'exil. Elle dit encore : « J'aime l'idée d'aider des gens en difficulté ». Vathsala a un beau visage, une grande douceur émane d'elle. Nous n'oublierons pas son regard.

 

En quittant Emmaüs La Friperie Solidaire, où les cultures se mêlent et font alliance, où chacun travaille, où l'on agit ensemble, geste après geste, jour après jour, un mot très simple nous vient à l'esprit. Un mot presque oublié. Dignité.

 

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